3.5/5
Le cinéaste français Nicolas Philibert plonge, avec son documentaire Sur l’Adamant, dans un milieu qui, par la faute de préjugés tenaces, effraie encore beaucoup de monde aujourd’hui : le milieu de la psychiatrie. Une œuvre couronnée par une récompense prestigieuse : l’Ours d’or du festival de Berlin.
Fait assez rare pour être souligné, cette année au festival de Berlin, c’est un documentaire qui s’est vu décerné la récompense suprême : l’Ours d’or. Sur l’Adamant s’intéresse à la maladie psychique. À l’heure où l’on parle beaucoup de santé mentale, le réalisateur français Nicolas Philibert nous permet d’aller aussi près que possible d’individus souffrant de troubles psychiques, en nous faisant visiter un lieu unique en son genre, sis au cœur de Paris : l’Adamant, une péniche se trouvant sur la Seine, amarrée au quai, une péniche ayant ceci de particulier qu’elle est un centre de jour psychiatrique.
Ouvert en 2010, l’Adamant fait partie du pôle Paris centre, qui accueille des adultes des quatre premiers arrondissements de la capitale française. C’est donc à la rencontre de quelques-uns d’entre eux que nous emmène le metteur en scène Nicolas Philibert, nous permettant par là même de briser un certain nombre de préjugés.
« On a des gueules un peu cassées », reconnaît un patient. « Dans le métro, on nous regarde avec des yeux un peu curieux. » Mais il tient à souligner que les gens souffrant de troubles psychiques, hormis un petit nombre d’entre eux, sont loin d’être dangereux. Le documentaire de Nicolas Philibert, en nous faisant monter à bord de l’Adamant, nous permet de vérifier ces dires, s’il en est besoin : ce ne sont pas des fous furieux qui se trouvent ici, mais des individus fragiles et touchants. On fait connaissance avec des patients très intelligents, cultivés, comme Frédéric qui évoque Van Gogh et le film Paris, Texas de Wim Wenders ; avec d’autres qui se montrent clairvoyants sur eux-mêmes, d’une lucidité remarquable, à l’instar de François. « Je suis malade, dit-il à l’un des soignants. C’est parce que je prends un traitement très fort que je ne délire pas et que je peux avoir une conversation avec vous, Guillaume. Le traitement est indispensable. »
François : c’est lui qu’on voyait, au cours de la séquence d’ouverture. Il chantait les yeux fermés, avec intensité, en y mettant tout son cœur. Il chantait La Bombe humaine, célèbre morceau du groupe Téléphone, accompagné d’une guitare acoustique située hors champ. « Sensations qui peuvent me rendre fous », chantait-il notamment. Une séquence qui est à l’image du documentaire dans son ensemble : émouvante.
Peu après cette séquence d’ouverture, une autre patiente, Muriel, lançait ces mots : « Ils sont balèzes, les médecins, pour écouter les angoisses des gens. » C’est vrai. Mais ne sont-elles pas tout aussi ''balèzes'', les personnes souffrant de troubles psychiques, pour parvenir à avancer contre vents et marées ? Pour parvenir à vivre ? Les patients de l’Adamant forcent l’admiration : ils nous prouvent, au travers du documentaire de Nicolas Philibert, qu’on ne saurait les réduire à la maladie qui les accable, quand bien même cette maladie est grave. On les voit participer à différents ateliers : ils dessinent, écrivent, jouent de la musique ou cuisinent. Et nous touchent profondément.
S’il y a donc beaucoup de souffrance, dans ce film, il y a également de la légèreté et de la joie. En définitive, l’œuvre de Nicolas Philibert est lumineuse et constitue un voyage passionnant au cœur de l’humain.
On regrettera toutefois certains choix de mise en scène, comme cette succession de plans fixes, au début du film, ne présentant pas beaucoup d’intérêt (l’un de ces plans dure une minute entière, c’est long et ennuyeux). Ou encore l’épilogue, qui nous a paru peu inspiré.
Sur l’Adamant est en somme un bon documentaire, bien qu’on ait déjà vu tout aussi bien, voire mieux, sur la même thématique. Par exemple (sur le petit écran) Bellelay, dans l’intimité d’un hôpital psychiatrique, documentaire faisant partie du magazine de reportages suisse Temps présent, sur la chaîne généraliste romande RTS (Radio Télévision Suisse).
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