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Photo du rédacteurRaphael Fleury

«Sauvages»: Bornéo entre émerveillement et désolation

Note: 4.5/5

Il y a de cela huit ans, il avait mis en scène Ma vie de Courgette, un inoubliable film d’animation. Le cinéaste suisse Claude Barras revient à présent avec un deuxième long métrage tout aussi exceptionnel: Sauvages. Le résultat est à la hauteur des attentes. À voir de toute urgence.

 

Deux enfants et un orang-outan dans la jungle de Bornéo

Claude Barras a pris son temps. Et il a eu raison. Le réalisateur valaisan et son équipe ont œuvré tels des orfèvres extrêmement habiles, ils ont effectué un travail de fourmi. Huit ans après Ma vie de Courgette, Sauvages arrive enfin dans nos salles de cinéma. Une merveille visuelle, un bijou d’animation. Le travail sur les lumières et sur les sons est impressionnant. Quant au scénario –signé Claude Barras et Catherine Paillé–, il n’est, lui, pas en reste. Le film atteint donc des sommets.

 

La pierre angulaire de cette œuvre cinématographique, son cœur, c’est le travail d’animation, bien entendu. Il s’agit de stop motion (comme pour le précédent long métrage de Claude Barras). Une technique requérant une infinie patience. Tout est construit, il n’y a rien de virtuel. Tout se fait à la main ou avec des petits outils. Les décors et les marionnettes sont somptueux. La magie du cinéma opère: cet univers prend vie sous nos yeux, les remplit d’émerveillement durant 87 minutes.

 

Kéria, une jeune fille de onze ans, vit sur l’île de Bornéo, aux abords de la forêt tropicale. Son père travaille à proximité, dans une plantation de palmiers à huile. Là, un jour, Kéria recueille un bébé orang-outan. Peu après, Selaï, son cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit opposant sa famille nomade aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe baptisé Oshi vont braver tous les dangers, se battre contre la destruction de la forêt.

 


Claude Barras a passé en 2018 six semaines dans la province du Sarawak, là où se déroule l'action de son nouveau film. Sur ces six semaines, il a vécu dix jours avec une famille de nomades (des Penan; les Penan sont des chasseurs-cueilleurs). Cette expérience a nourri son film Sauvages.

 

En intitulant son œuvre cinématographique de cette manière, Claude Barras semble interroger très intelligemment: qui sont les véritables sauvages? Les animaux sauvages, les tribus autochtones (ce seraient des ''sauvages'', tandis que nous serions des êtres civilisés), ou les hommes qui brutalisent les autochtones, maltraitent les animaux sauvages et saccagent la nature?

 

Sauvages émerveille et sensibilise tout à la fois, sans tomber dans la leçon de morale. Il évite ainsi un terrible écueil. Il émerveille: la faune et la flore, qui constituent un riche écosystème, mettent des étoiles dans les yeux des petits comme des grands. Il sensibilise: la déforestation, à Bornéo, offre un spectacle poignant, un spectacle de désolation. On abat une quantité astronomique d’arbres, on rase la végétation, afin de planter des palmiers produisant de l’huile. Cette huile, l’huile de palme, inonde ensuite nos marchés en Occident (on en retrouve non seulement dans un nombre considérable d’aliments, mais aussi dans des agrocarburants ou encore dans des lessives et des cosmétiques). Nous avons donc une responsabilité, nous tous, ici, en tant que consommateurs.


Ce film, c’est enfin un cri, un SOS, un appel au secours, comme semble le suggérer le morceau de Balavoine Tous les cris les SOS accompagnant le générique de fin. Un cri, oui. Un cri du cœur: il y a urgence à prendre conscience du désastre écologique qui a lieu à Bornéo et sur lequel tout un chacun peut avoir une influence. Nous avons un pouvoir certes limité, mais il est néanmoins possible d’agir.


 

Pour aller plus loin:

• Qu’est-ce que le stop motion? Le stop motion (ou animation image par image) est une technique d’animation ayant recours à des objets réels. Le stop motion permet de donner l'illusion qu'ils sont en mouvement, alors qu'ils sont immobiles. Autrement dit, il s’agit du même principe qu’on trouve dans les dessins animés, mais appliqué, ici, à des objets. Quelques exemples de films en stop motion: L'Étrange Noël de Monsieur Jack, Chicken Run, Mary and Max, Pinocchio.

• Nous nous étions rendus, en septembre 2023, sur le tournage du film Sauvages. Pour voir ce reportage, c’est ici.

• Remy Dewarrat a interviewé le réalisateur Claude Barras, à l'occasion de la sortie de son film Sauvages. L'interview, c'est ici.

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