Parmi les longs métrages sortis en salle ou montrés en festival courant 2024, voici ce qu’il vaut la peine (re)voir à Soleure.
Ça y est, les Journées de Soleure sont de nouveau parmi nous, pour une semaine dédiée à une vue d’ensemble de la production audiovisuelle helvétique, qu’il s’agisse de la première mondiale de nouveaux titres ou de la reprise d’œuvres qui ont déjà fait leur parcours en salle ou dans d’autres festivals pendant les douze mois qui précédent le rendez-vous soleurois. Voici, donc, une sélection de dix films que nous avons vus en 2024 et qu’il vaut la peine de (re)voir dans le cadre de ces Journées qui inaugurent l’année cinématographique suisse.
Bagger Drama (Prix de Soleure)
Découvert au Festival de San Sebastián dans la section New Directors, il s’agit du premier long métrage de fiction du réalisateur Piet Baumgartner, déjà remarqué pour son documentaire The Driven Ones. Un drame intime très puissant, qui s’appuie sur trois prestations subtiles pour raconter les non-dits au sein d’une famille brisée par le deuil.
Der Spatz im Kamin (Panorama – Fictions)
Troisième volet d’une trilogie thématique écrite et réalisée par les frères Zürcher, ce récit de tensions familiales a séduit le public de Locarno en août dernier grâce à sa maîtrise formelle et le jeu précis et émouvant des deux comédiennes principales. Une grande étape d’un parcours artistique passionnant.
Gloria ! (Panorama – Fictions)
Révélation de la Berlinale 2024, où il était un des deux premiers films en compétition, c’est le début derrière la caméra pour la musicienne italienne Margherita Vicario. Partiellement tournée au Tessin, cette comédie avec de la musique (et pas une comédie musicale, il y a une nuance) applique le filtre populaire à une page méconnue de l’histoire culturelle européenne, en racontant avec humour la place des femmes dans la création musicale en 1800.
Sauvages (Panorama – Fictions)
Incontournable pour les familles, le deuxième long métrage de Claude Barras n’a pas la même puissance émotive que Ma vie de Courgette, mais il est tout aussi remarquable sur le plan formel, mettant en évidence la qualité immortelle de l’animation artisanale du stop-motion qui résiste dans une industrie où les images de synthèse dominent depuis deux décennies.
September 5 (Panorama – Fictions)
Grosse claque dans le cadre des festivals d’automne, notamment Venise et Zürich, le nouveau film de Tim Fehlbaum est en quelque sorte une préquelle de Munich de Spielberg : en 2005, le cinéaste américain racontait les conséquences de l’attentat aux Jeux Olympiques de 1972 ; vingt ans plus tard, il est question de l’attentat lui-même, mais vu à travers les yeux de l’équipe TV américaine qui diffusa en direct les images. Un bel exercice de suspens, avec un casting sublime.
Sew Torn (Panorama – Fictions)
Américain et suisse, le cinéaste Freddy Macdonald a su mélanger de manière fascinante les deux côtés de son identité pour son premier long métrage, réélaboration du court du même nom qu’il avait sorti en 2019. Le structuré rencontre l’imprévisible lorsque le film développe les trois choix que la protagoniste peut faire à un moment crucial, avec les atmosphères du cinéma des frères Coen bien importées dans le contexte du tournage sur place dans un village de montagne de la région alémanique.
When We Were Sisters (Panorama – Fictions)
En 2017, Lisa Brühlmann faisait rêver le public et les jurys du Festival de Zürich avec Blue My Mind, un premier long où le parcours de maturation physique et émotionnelle d’une jeune fille (Luna Wedler) contenait des éléments fantastiques et horrifiques. Sept ans plus tard, on est plus dans le réalisme mais toujours dans la zone du portrait de jeunesse féminine, à savoir la relation entre deux adolescentes qui deviennent sœurs lorsque la mère de l’une se met en couple avec le père de l’autre. L’analyse des douleurs spirituelles de cet âge-là reste très pointue, avec la plus-value de Brühlmann elle-même devant la caméra dans le rôle de la mère, aux côtés de Carlos Leal qui joue le père.
The Landscape and the Fury (Panorama – Documentaires)
Coup de coeur de l’édition 2024 de Visions du Réel, où il a remporté le prix principal de la compétition internationale longs métrages. Nicole Vögele signe un portrait humain et sociopolitique plein de force, en racontant les histoires qui se croisent au long de la frontière entre Bosnie et Croatie, un territoire marqué à jamais par la guerre. Passé violent, présent chaotique, futur incertain : les trois ingrédients d’un film incapable de nous laisser indifférents.
Un ours dans le Jura (Rétrospective)
On sort du territoire strictement suisse, une comédie noire venant de l’Hexagone ayant un fort impact humoristique, un récit qui s’inspire, lui aussi, des mondes des frères Coen (la phrase promotionnelle « D’après une histoire fausse » fait penser à Fargo, notamment). Franck Dubosc réalise et joue aussi le rôle principal aux côtés de Laure Calamy : un couple tranquille dont l’existence est bousculée lorsque la présence d’un ours dans la région a des conséquences passablement macabres. Et puis il y a Benoît Poelvoorde en flic, ce qui est toujours très amusant.
Vingt Dieux (Rétrospective)
Autre détour chez nos voisins, pour une des plus charmantes découvertes du Festival de Cannes 2024, où il faisait partie de la sélection Un Certain Regard. Drôle et naturel, ce récit de jeunesse mis en scène par Louise Courvoisier raconte le Jura français de manière personnelle et directe : la cinéaste est originaire de la zone montrée à l’écran, et tous les rôles sont joués par des gens du coin, ce qui contribue à la beauté bucolique (mais pas trop) de cette histoire d’amour, chagrin et fromage.
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